Les images « du monde tremblant » de Kodo Chijiiwa

Par Yolita René, historienne de l’art

 

 

Le vent essaie d’écarter les vagues de la mer. Mais les vagues tiennent à la mer, n!est-ce pas évident, et le vent tient à souffler... non il ne tient

pas à souffler, même devenu tempête ou bourrasque il n!y tient pas. (…)

Henri Michaux, « Le vent » dans « La nuit remue »

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Tel « un marin terrestre » Kodo Chijiiwa plonge littéralement dans la fureur des éléments déchainés et marche au hasard secoué par les ra- fales et les embruns de la mer. Arpenteur des grands vents il a du mal à rester debout, il doit lutter pour conserver son équilibre et ne pas se lais- ser emporter. Il se livre corps et âme aux convulsions de la nature. Conscient de sa fragilité mais habité par des moments de grâce, il ac- cueille ces phénomènes météorologiques comme des manifestations de la vie ici et maintenant.

Avec les nuées et les éclaboussures de la mer, air et eau fusionnent en donnant naissance à un nouvel état de la matière, sorte de « spray » océanique formé de vent et de fluides transformés en éruption volca- nique. En parvenant à dompter visuellement ce souffle, le photographe capte la respiration de la vie comme un ordre poétique dans un désordre apparent.

A la manière d!un journal intime, une forme chère à Junichirô Tanizaki, Kodo Chijiiwa enregistre les vibrations de la nature, la beauté d!un monde fugace dont seule la photographie garde la mémoire. L!un et l!autre sai- sissent la chose elle-même et le halo qui l!entoure.

Des affleurements étranges surgissent de sols cachés par la neige, pay- sages singuliers dessinant des calligraphies végétales et mettant en évi- dence des correspondances entre le monde céleste et le monde terrestre.

Le photographe fixe ce que le poète Francis Ponge exprime dans « Le parti pris des choses » :

Le temps des végétaux: ils semblent toujours figés, immobiles. On tourne le dos pendant quelques jours, une semaine, leur pose s!est encore précisée, leurs membres multipliés. Leur identité ne fait pas de doute, mais leur forme s!est de mieux en mieux réalisée.

Les rochers enregistrent des formes et des surfaces travaillées depuis des temps immémoriaux, traces de végétaux disparus, paysages abstraits sculptés par le vent. Strates figées qui nous questionnent sur l!existence originelle de la mer. Ici la mémoire du temps se déroule à la vitesse d!un kaléidoscope tourbillonnant.

Ces interactions incessantes entre les énergies naturelles et les mouve- ments du corps physique se traduisent en images par des traces photogra- phiques vibrantes comme si leur texture et leur substance avaient été ren- dues flexibles après avoir été absorbées par la violence du souffle.

Le regard de Kodo Chijiiwa entre en résonance avec  «  l’écologie  musicale » du compositeur Olivier Messiaen, ils puisent leur inspiration dans une symbiose avec le souffle vital émanent de la source originelle de toute création, trésor inépuisable des couleurs et des sons, des formes et des rythmes, modèle inégalé de développement total et de variation perpé- tuelle, la Nature est la suprême ressource. O.Messiaen

Ainsi, l’artiste fixe dans ses photographies les énergies variées exprimant visuellement les forces élémentaires qui incarnent la vie : feu, air, terre et eau sous forme de liquide ou de neige, de végétaux et de minéraux. Le photographe témoigne que la nature est une pulsation unique où l!homme et l!univers sont solidaires et que tout est lié et uni dans la multiplicité du vi- vant.

Kodo Chijiiwa nous convie à des traversées dans le flux incessant des mé- tamorphoses de la matière afin de nous faire entendre l!acuité du silence.

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Du monde tremblant 

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ヨリータ・ルネ / 美術史学者

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⾵が波を海から押しのけようとしている

でも波は海にしがみついて離れようとしない

明らかに⾵は吹き続けることに固執している、いや固執などしていない

嵐や突⾵になっても、それに固執はしていない

アンリ・ミショー −⾵− 「夜動く」より

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地上の船乗りのように、千々岩孝道は、⽂字通り荒れ狂った猛威の中を、突⾵と海のしぶきに揺られながら当てもなく歩き回る。直⽴を維持することさえ難しく、体のバランスを維持するのにも苦労しながらも、決して夢中になりすぎてはいけない。彼は⾃然に⼼と体を預ける。そして、その脆さを認識しながらも、その⾄福の瞬間を⽣き、それは⽣命たちの意思表⽰として、今ここで起きていることを、⾃然現象として受け⼊れる。厚い雲と海のしぶきが重なり合い、空気と⽔が融合して新たな物質の状態が⽣まれ、⾵と流体によって形成されたある種の「海洋のスプレー」が⽕⼭の噴⽕へと変わる。この⾵を視覚的に制御することで、明らかな無秩序の中で、これを詩的な秩序として⽣命の息吹を捉えていく。

 

⾕崎潤⼀郎の⽇記のように、千々岩孝道は、写真だけが残すことのできる儚い世界の美しさ、⾃然のゆらめきを記録している。そしてそれはどちらも、それ⾃⾝とそれを取り巻く輝きまでも捉えている。千々岩孝道は、詩⼈のフランシス・ポンジュが「物の味⽅」で表現していることをはっきりと理解させてくれる。

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植物のサイクル :

それらは常に硬直し動かないように⾒える。数⽇、1 週間と反対を向かせるとその佇まいはよりはっきりとし、それを構成するものは繁殖する。そのアイデンティティを疑う余地はないが、その姿はますます理想へと近づいていく。岩は太古の昔から変形した形や表⾯、絶滅した植物の痕跡、⾵化した抽象的な⾵景を記録している。海の本来の存在を問う凍結層。ここでは、時の記憶が渦巻く万華鏡の速さで流れている。

⾃然のエネルギーと⾝体の動きの絶え間ない相互作⽤は、⾵の激しさに吸収されたあと、まるでその質感と、物質がしなやかに変動する、感動的な写真の痕跡として解釈される。

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千々岩孝道の視点は、作曲家オリヴィエ・メシアンの. lʼ.cologie musicale .と共鳴する部分がある。彼らは、すべての創造物の根源から発せられる、⽣命の息吹との共⽣からインスピレーションを汲み取っている。

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“⾊と⾳、形とリズムの限りない宝庫、総合的な発達と永続的な変化の卓越したモデル、⾃然は最⾼の資源である” −オリヴィエ・メシアン

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こうして、千々岩孝道は写真の中で、⽣命を具現化する基本的な活⼒、例えば空気、⼟、⽔、雪、植物、鉱物といったさまざまなエネルギーを視覚的に表現しています。⾃然は⼈間と宇宙が⼀体となった唯⼀の⿎動であり、全てが多様な⽣物の中で密接に関連し、⼀体となっていることを千々岩孝道は証明しています。

千々岩孝道は、沈黙の鋭さを伝えるため、物質変容の絶え間ない流れの中へと誘ってくれる。

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